Le nouvel exercice libéral en gynécologie : exercer en Maison de Santé Pluridisciplinaire

Interview du Docteur Claire Kingue, gynécologue obstétricienne, installée dans la MSP Saint-Marceau à Orléans.

Parmi les différents modes d’exercice en libéral, les jeunes médecins choisissent de plus en plus l’installation en maison de santé pluridisciplinaire (MSP). Pour les médecins déjà installés, l’évolution vers ce mode d’exercice peut s’avérer pertinent pour rompre avec l’isolement, la surcharge de travail, les difficultés administratives et de remplacements de l’exercice libéral autonome.

Les maisons de santé ont été introduites dans le code de la santé publique en 2007 (loi de financement de la sécurité sociale du 19 décembre 2007) pour ouvrir aux professionnels libéraux un mode d’exercice collectif. Il s’agit de structures pluri professionnelles dotées de la personnalité morale et constituées entre professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens. Les professionnels de santé exerçant en leur sein (essentiellement des professionnels libéraux) doivent élaborer un projet de santé attestant de leur exercice coordonné. Les maisons de santé sont appelées à conclure avec l’agence régionale de santé un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens préalablement à tout versement d’une aide financière par l’agence. En juin 2021 on recensait 1889 maisons en fonctionnement et 366 maisons en projet.

S : Vous êtes installée en libéral depuis 2009. Pour quelles raisons avez-vous choisi d’évoluer vers une installation en maison de santé pluridisciplinaire

C.K : j’ai décidé en 2019 d’évoluer vers un exercice coordonné avec des collègues au sein d’une même structure. Pour le suivi de grossesse notamment, il me semblait pertinent de me rapprocher de médecins échographistes pour leur adresser plus rapidement une patiente dans le cas où je suspectais des éléments atypiques. Le comité du quartier Saint Marceau à Orléans avait la vocation de proposer une offre d’accès aux soins plus confortable pour les patientes avec la création de MSP, l’offre médicale dans notre département étant très tendue.  Exerçant dans ce  quartier, j’ai été contactée par une collègue médecin généraliste pour rejoindre le projet. Ce dernier a créé une véritable dynamique de groupe, ce qui constituait les conditions propices pour s’installer ensemble.

S : Votre MSP réunit combien de professionnels de soins ? 

C.K : notre MSP regroupe une vingtaine de professionnels médicaux et paramédicaux : des médecins généralistes, un neurologue, deux gynécologues dont moi pour la gynécologie obstétrique, un spécialiste de l’allaitement maternel, des sages-femmes dont 2 échographistes, des infirmières, kinésithérapeutes, un sophrologue, un podologue, une diététicienne et un psychothérapeute.

S : Quelle sont les obligations et contraintes de la MSP ?

C.K : Le principe d’une MSP étant de mettre en place un exercice coordonnée, les médecins doivent définir ensemble un Projet de santé qui décrit leur projet de prise en charge des patients et la façon de l’exercer de façon coordonnée (via la mise en place de protocoles communs par exemple ou de réunions de concertations). Le partage des informations du dossier médical d’un même patient est possible mais à condition d’installer l’un des logiciels médicaux labellisé par l’Agence du numérique en santé.

S : Avez-vous une coordinatrice pour animer la MSP ?

C.K : oui, nous nous appuyons sur une coordinatrice qui nous décharge d’une partie des contraintes administratives et anime la vie d’équipe de la MSP. Elle fait partie de tous les groupes mis en place par les professionnels de santé et paramédicaux, entérine les décisions prises à cette occasion, gère les relations avec les organismes externes et prestataires et nous alerte sur les protocoles à mettre en place.

S : Etes-vous maître de stage* ? 

C.K : oui. Notre MSP a en effet la vocation d’être une MSP Universitaire pour qu’elle puisse réaliser de la formation et de la recherche en soins primaires. Ce qui s’inscrit totalement dans notre vocation de compagnonnage.

S : Conseilleriez-vous à un jeune médecin de s’installer directement en MSP ? 

C.K : oui, totalement ! La MSP permet de nous offrir des conditions d’exercice optimales et d’optimiser notre temps médical au service de nos patients. L’exercice coordonné nous permet de discuter en équipe de la prise en charge et coordonnée des cas complexes de nos patientèles. Nous avons moins de difficulté à trouver des remplaçants ou des successeurs. En outre, si les maisons de santé pluridisciplinaires ont un coût d’installation et de fonctionnement parfois plus important, les moyens sont mis en communs (locaux, système informatique partagé, poste de coordination) et répartis, selon des règles que nous définissons au sein de l’équipe, entre tous les professionnels de santé de la structure. Certains médecins partagent le secrétariat également.

S : Et pour un médecin déjà installé depuis plusieurs années et qui envisage cette possibilité d’évolution, quels conseils pourriez-vous lui donner ?

C.K : je lui conseillerais de bien se renseigner sur l’équipe, le projet de santé, le règlement intérieur, sur les possibilités de faire des remplacements. Il est primordial de rencontrer toute l’équipe au préalable et d’avoir de bonnes capacités d’adaptation. Le prérequis étant d’avoir une véritable envie de travailler en équipe !

Encadré : Les étapes pour créer une Maison de Santé Pluridisciplinaire

1 – Etudier l’offre de soins locale, les attentes des professionnels de santé du territoire, éventuellement avec l’appui d’un cabinet de conseil spécialisé, parfois financé par le territoire ou l’ARS suivant le diagnostic local de santé.

2 – Constituer une équipe de professionnels de santé motivés par l’exercice coordonné, comprenant au moins 2 médecins généralistes et un paramédical.

3 – Travailler en équipe pour définir le projet de santé, définissant les modes d’exercice coordonnés, mais aussi les règles du travail libéral en équipe.

4 – Si besoin, travailler sur un projet immobilier (pas toujours nécessaire).

5 – Commencer à exercer de façon coordonnée, conformément au projet de santé écrit par l’équipe et ajuster les modes de fonctionnement.

6 – Mettre en place petit à petit les différentes « briques » de l’exercice coordonné (SI partagé, réunions de concertation professionnelle, protocoles, coordination…).

7 – Si l’équipe le souhaite, monter un dossier pour accéder aux nouveaux modes de rémunérations.

A savoir : le temps d’exercice coordonné peut percevoir une rémunération spécifique de l’Assurance Maladie dans le respect de la réglementation fiscale et comptable, à condition que la MSP soit constituée en société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa). En outre, l’accord conventionnel interprofessionnel de 2017, qui se substitue au règlement arbitral de 2015, a instauré le principe d’une rémunération conventionnelle, basée sur l’atteinte d’indicateurs, demeure. Certains indicateurs ont évolué pour mieux prendre en compte l’organisation, les coûts d’équipement, et la relation avec les patients.

Code de la santé publique : legifrance.gouv.fr

 

* un Praticien Agréé Maître de Stage des Universités – plus communément appelé MSU – est un médecin de ville qui accueille dans le cadre de stages des étudiants en médecine qui sont entre la 5ème année (externat) et la fin de la 9ème année (internat) afin de leur permettre de découvrir la médecine générale de premier recours. Le MSU a un rôle important, décisif et complémentaire dans la formation de l’étudiant en médecine. Il lui permet d’accéder à ce terrain d’apprentissage qu’est l’ambulatoire. La maîtrise de stage existe pour la médecine générale depuis plus de 15 ans. Son développement et celui des stages extrahospitaliers est aujourd’hui envisagé dans l’ensemble des spécialités ayant un exercice majoritairement ambulatoire et qui ont inscrit la possibilité de ces stages dans leur maquette de formation. Une mise en place est prévue pour les spécialités volontaires dès le semestre d’internat de novembre 2020.

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