La chirurgie en cabinet médical

La simplification de prise en charge en ambulatoire figure au rang des priorités des pouvoirs publics, le gouvernement ayant fixé l’objectif d’atteindre 70% des actes de chirurgie réalisés en ambulatoire d’ici 2022. C’est dans ce cadre qu’a été étudiée la possibilité d’effectuer certains actes de chirurgie ambulatoire en cabinet médical. Interview du docteur Dusan TOTH, MD, PhD*.

S : Comment le cabinet médical prend-il progressivement sa place dans le champ de la chirurgie ambulatoire ?

D.T : les progrès technologiques relatifs aux techniques interventionnelles ou à la simplification des modalités anesthésiques, et la nécessité par ailleurs de diminuer la charge pesant sur les établissements de santé ont amené à se poser la question d’imposer ou non la réalisation de certains actes au bloc opératoire, et en corollaire de permettre leur exécution en dehors des établissements de santé. A cette fin, la HAS a édité un rapport sur les niveaux d’environnements techniques pour la réalisation d’actes interventionnels en ambulatoire.

Les données publiées ont montré qu’il était possible d’établir une correspondance entre les niveaux d’environnement et critères d’orientation. Néanmoins l’orientation de la réalisation de ces actes interventionnels doit avant tout se fonder sur une démarche de maîtrise des risques et de garantie de la qualité des soins.

Actuellement, deux niveaux d’environnement existent en France : d’une part le cabinet médical non défini règlementairement, et dont l’équipement est variable selon les spécificités, et d’autre part les établissements de soins, définis sur le plan fonctionnel règlementairement. Notons qu’à l’étranger, l’éventail des environnements techniques permettant la réalisation d’actes interventionnels en ambulatoire est plus diversifié.

S : A partir de quand parle-t-on d’activité chirurgicale ?

D.T : il n’y a aujourd’hui aucune définition réglementaire de l’activité chirurgicale, toutefois un éclairage serait apporté par la jurisprudence qui considèrerait que « tout acte attentatoire à l’intégrité du corps humain est considéré comme un acte chirurgical » (article L. 6122-4 : Code de la santé publique).

Dans les critères d’orientation, le niveau 1 correspond à l’anesthésie topique, locale, aux blocs digitaux ou locaux pour des actes mineurs et patients ASA 1, 2, +/_ 3.

L’intervention doit être réalisée par le médecin sans l’assistance d’une autre personne, sauf si l’état du patient ou l’intervention en elle-même le requiert. L’aire de chirurgie doit être séparée de la salle de consultation.[1]

Ainsi, si le niveau 1 constitue l’environnement le plus simple, il ne correspond toutefois pas au cabinet médical habituel, puisqu’il permettrait la prise en charge d’acte interventionnel. A ce titre, il doit répondre à un certain nombre d’impératifs organisationnels sur le plan fonctionnel et architectural. Il pourrait être assimilé à un cabinet médical technique, comme il en existe pour la réalisation d’actes dermatologiques, ORL et dentaires.

S : Justement, quels sont ces impératifs organisationnels ?

D.T : concernant le cabinet médical, le Code de santé publique (article R. 4127-71) et le Code de déontologie du médecin (article 71) précisent que : « Le médecin doit disposer, au lieu de son exercice professionnel, d’une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel et de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature des actes qu’il pratique ou de la population qu’il prend en charge ». Le niveau d’équipement est en effet hétérogène et varie selon la spécialité exercée : les cabinets dédiés à la « consultation simple » ont un équipement minimal alors que les « cabinets de spécialités plus techniques » peuvent être équipés pour pratiquer des actes de « petite chirurgie ». Les actes qui y sont réalisés ne nécessitent pas d’hébergement et ces structures, qui délivrent des soins primaires, ne sont pas considérés comme des établissements de santé qui représentent quant à eux la médecine hospitalière.

Le Code de santé publique et le Code de déontologie du médecin précisent également « qu’au sein du cabinet médical, le médecin doit notamment veiller à la stérilisation et à la décontamination des dispositifs médicaux qu’il utilise et à l’élimination des déchets médicaux selon les procédures réglementaires. Il ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées. Il doit veiller à la compétence des personnes qui lui apportent leur concours ».

S : Quel est le protocole pour des interventions en cabinet médical et quel type d’intervention peut être réalisé en gynécologie ?

D.T : en gynécologie, les interventions de niveau 1 pouvant se pratiquer en cabinet médical avec environnement adéquat, se pratiquent après anesthésie locale superficielle ou avec analgésie pré-emptive.

Elles regroupent les pathologies et interventions mineures, les interventions sur vulve (verrues, incision ou ponction abcès et furoncle), dans le vagin (ponction ou incision de kyste, biopsie), sur le col utérin (coagulation des lésions, LEETZ, biopsie), dans la cavité utérine (hystéroscopie – dg, ablation stérilet, repositionnement stérilet, hystéroscopie see & treat (polype, fibrome, synéchie), de même que les interventions mineures sur sein (furoncles, abcès, verrues, lésions cutanées, fibromes en surface).

S : Quels sont les bénéfices pour les patientes ?

D.T : pour la patiente, cela offre la possibilité d’un diagnostic et du traitement dans le même temps, en réduisant le nombre de rendez-vous avec une seule venue au lieu de trois (chirurgien anesthésiste, intervention). Cette prise en charge, proche de celle d’une consultation, est également moins angoissante qu’une intervention au bloc.

S : Les conditions sont-elles favorables pour le développement de la chirurgie en cabinet médical, en matière de rémunération et de formation notamment ? 

D.T : le développement de la chirurgie en cabinet requiert plusieurs conditions :

en matière de formation, il faut former les jeunes générations, par le soutien et le compagnonnage ;

En matière d’équipements, elle requiert la création de locaux de consultations interventionnelles dédiées. Toutefois, ces unités hors parcours « lourd » demandent un minimum d’investissements ;

Enfin, en matière de rémunération, on note une évolution de la tarification avec un nouvel arrêté du 2 février 2020 ouvrant l’attribution de tarif HDJ aux actes réalisés en dehors du bloc opératoire classique pour salles dédiées avec ou sans anesthésie. Mais cette évolution est-elle suffisante ?

Il est également nécessaire de réviser la définition et la rémunération des actes pouvant être réalisés en cabinet de ville. Idéalement il serait logique de créer une nouvelle catégorie de tarif qui prendrait en charge les investissements matériels et personnels. Nos décideurs doivent prendre conscience que toute chirurgie minimalement invasive, de courte durée et ne nécessitant pas une prise en charge complexe et lourde, diminue nettement les dépenses directes et indirectes : cela représente en effet sur une année approximativement 64 000 séjours potentiellement évitables.

[1] HAS – Service évaluation des actes professionnels / décembre 2020

 

*Le docteur Dusan TOTH est gynécologue obstétricien au sein du cabinet SELARL de gynécologie obstétrique Saint Germain à Brive (19) et chirurgien gynécologue à la Clinique des Cèdres – CMC ELSAN à Brive. Il est ancien MCU PH de l’Université de Charles à Prague, PhD.

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