Le docteur Didier LEGEAIS, Président du SNCUF, nous éclaire sur les réformes successives des IBODE jusqu’au décret d’octobre 2024 qui précise des nouvelles mesures transitoires avant le 31 décembre 2031.
En 1993, née l’Union Nationale des Associations d’Infirmier(e)s de Bloc Opératoire Diplômé(e)s d’État (UNAIBODE) qui milite pour optimiser la qualité et la sécurité des soins en faveur des patients et défendre le métier d’IBODE.
En octobre 2001, un arrêté paru au JO du 18 novembre 2001 installe les écoles d’IBODE dans le paysage français pour la préparation à un Diplôme d’Etat, qui remplace le Certificat d’Aptitude.
Sous la pression des représentations des IBODE, le décret n°2015-74 du 27 janvier 2015 vient imposer les actes exclusifs pour les IBODE, interdisant donc définitivement au non-IBODE de pouvoir continuer à pratiquer.
Toutes ces activités sont réalisées sous l’autorité du chirurgien, en délégation de tâche mais pas en autonomie. La chirurgienne, ou le chirurgien, doit pouvoir intervenir à tout moment dans les conditions fixées dans un protocole.
Afin de permettre au bloc opératoire de fonctionner, une reconnaissance des acquis est mise en place avec les décrets du 28 juin 2019 et 29 janvier 2021 pour que les aides-opératoires, IDE, puissent valider 3 Mesures Transitoires (MT3) : Aide à l’exposition / Aide à l’hémostase/ Aide à l’aspiration.
L’organisation de cette formation de 21h est laissée aux écoles. Les établissements de santé ont alors jusqu’au 31 décembre 2020 pour former leur personnel IDE déjà en place.
Le 30 décembre 2021, le Conseil d’État annule les décrets de 2019 et 2021 et demande au gouvernement de revoir sa copie suite à la requête de l’UCDF, le Bloc, la FMF, le SML et la FHP-MCO.
Un nouveau décret permettant d’élargir ces mesures transitoires et prévoyant la diminution des actes exclusivement opérés par les IBODE a été présenté mais le 9 février 2023, le Haut Conseil des Professions Paramédicales (HCPP) s’est prononcé contre ce projet de décret.
Le présent : le Préfet a les pleins pouvoirs de dire oui, de dire non…
En fin d’année 2024, il y a en France 27 089 infirmières aides-opératoires : 9 230 IBODE (Infirmière de Bloc Opératoire Diplômée d’Etat) et 17 859 IDE (Infirmières Diplômées d’Etat).
Un décret d’octobre 2024 précise de nouvelles mesures transitoires avant le 31 décembre 2031 :
« Art. 1er. – …. tout infirmier ou infirmière en fonction en bloc opératoire peut, dans les mêmes conditions que celles applicables à l’infirmier ou l’infirmière titulaire du diplôme d’Etat d’infirmier de bloc opératoire, accomplir les actes et activités mentionnés à cet article, sous réserve d’être titulaire d’une autorisation à cet effet délivrée par le Préfet de région de son lieu d’exercice. Cette autorisation est délivrée à titre temporaire ….
Art. 2. – Est éligible à l’autorisation mentionnée à l’article 1er, l’infirmier ou l’infirmière qui, à la date de sa demande:
○ Est affecté en bloc opératoire
○ Justifie d’au moins un an d’exercice en bloc opératoire en équivalent temps plein au cours des trois dernières années
Art. 3. – La demande d’autorisation temporaire est transmise au Préfet de région du lieu d’exercice du demandeur par tout moyen donnant date certaine à sa réception et, au plus tard, le 31 décembre 2031.
Art. 4. – Le Préfet de région délivre, dans le délai d’un mois à compter de la date de réception du dossier complet de la demande, à l’infirmier ou l’infirmière, une autorisation temporaire d’exercer les actes et activités mentionnés à l’article R. 4311-11-1 du code de la santé publique, …Le silence gardé par le Préfet au-delà de ce délai vaut décision de rejet. Cette autorisation temporaire prend fin un an après la date de sa délivrance ou, le cas échéant, à celle de la délivrance de l’autorisation définitive mentionnée à l’article 6. Toutefois, l’autorisation temporaire peut être prolongée d’une année pour l’infirmier ou l’infirmière justifiant, avant l’expiration du délai d’un an, de son inscription à une session de la formation complémentaire mentionnée au premier alinéa de l’article 6.
Art. 5. – L’infirmier ou l’infirmière, titulaire d’une autorisation temporaire ou définitive délivrée en application du décret du 28 juin 2019 susvisé, qui sollicite une autorisation temporaire en application de l’article 3 du présent décret, est présumé satisfaire à la condition mentionnée au 2o de l’article 2 du même décret. Par dérogation à l’article 4, le silence gardé par le préfet de région sur cette demande au-delà du délai d’un mois vaut décision d’acceptation.
Art. 6. – La délivrance de l’autorisation définitive est subordonnée à la preuve par le demandeur, titulaire d’une autorisation temporaire, du suivi d’une formation complémentaire relative à la pratique des actes et activités mentionnés à l’article R. 4311-11-1 du code de la santé publique. Lorsque le demandeur justifie d’une autorisation définitive délivrée en application de l’article 5 du décret du 28 juin 2019 susvisé, cette formation tient compte de la validation de celle déjà suivie relative à l’aide à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration. La formation complémentaire est dispensée par une école autorisée pour la préparation du diplôme d’Etat d’infirmier de bloc opératoire. Son contenu, sa durée et ses modalités sont précisés par arrêté du ministre chargé de la santé.
Art. 7. – L’infirmier ou l’infirmière, titulaire d’une autorisation temporaire, transmet au préfet de région de son lieu d’exercice, à tout moment et avant l’expiration de cette autorisation, une demande d’autorisation définitive accompagnée d’un justificatif attestant du suivi de la formation complémentaire mentionnée à l’article 6, par tout moyen donnant date certaine à sa réception. Après vérification de la conformité du justificatif, le préfet lui délivre une autorisation définitive d’exercer les actes et activités mentionnés à l’article R. 4311-11-1 du code de la santé publique dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la demande, par tout moyen donnant date certaine à la réception de cette autorisation.
Le silence gardé par le préfet au-delà de ce délai vaut décision de rejet.
Art. 8. – L’employeur public ou privé permet à l’infirmier ou à l’infirmière, sur sa demande, de suivre la formation complémentaire mentionnée à l’article 6. Il en assure le financement au titre des dispositifs de formation professionnelle continue, de formation professionnelle tout au long de la vie ou du développement professionnel continu. »
Les arrêtés suivants proposent :
– que la formation complémentaire soit dispensée par une école de formation IBODE
– que la maquette de formation des Mesures Transitoires 10 actes comporte 21 heures de formation.
– que pour les IDE qui en 2019-2020-2021 avaient validé leurs MT 3 gestes (Écarter, Aspirer, Electrocoaguler) et qui sont détenteurs d’une autorisation sous le dispositif transitoire 3 actes aient une formation MT10 allégée tenant compte de la validation de la formation déjà suivi aux 3 actes.
L’UCDF réuni en Assemblée Générale début décembre 2024 a décidé d’attaquer ce décret devant le Conseil d’Etat puisque les conditions d’inscription auprès du Préfet comportent des risques d’incertitudes et que les conditions de formation des IDE dépendent d’un arrêté encore non publié.
Le Futur : la négociation actuelle sous l’égide de la DGOS : le contrat d’engagement mort-né !
La Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) a organisé plusieurs réunions pour présenter le Contrat d’engagement national afin d’inciter tous les acteurs (Etat, fédérations d’employeurs, organisations représentant les IBODE, représentants des écoles de formation et organisations représentant les chirurgiens libéraux) à s’engager ensemble pour former au pas de course les 17 000 IDE non IBODE.
Ce contrat d’engagement a pour objectif de :
Les parties signataires s’engagent collectivement à contribuer à la formation des infirmiers présents en blocs opératoires et à accompagner l’augmentation du nombre d’IBODE.
Pour cela il propose la mise en place d’un comité de suivi des engagements qui se réunirait semestriellement pour accompagner les engagements suivants :
– Engagement n°1 : Le ministère chargé de la santé s’engage à créer et à assurer le déploiement du dispositif transitoire, permettant la réalisation des actes exclusifs IBODE par des infirmiers en soins généraux, afin d’assurer le fonctionnement continu et sécurisé des blocs opératoires
– Engagement n°2 : Les employeurs et les chirurgiens veillent à la réalisation des actes et interventions au sein des blocs opératoires par des professionnels infirmiers autorisés à exercer dans le respect de la réglementation
– Engagement n°3 : Les employeurs s’engagent à faciliter et à accompagner la diplomation IBODE, à communiquer sur les mesures transitoires et à accompagner les infirmiers autorisés dans le cadre du dispositif transitoire prévu par décret en Conseil d’Etat pour qu’ils suivent la formation
– Engagement n°4 : Les écoles de formation IBODE s’engagent à conduire des sessions de formation régulièrement et répondant aux besoins de formation du flux entrant d’IDE selon les conditions prévues dans le cadre des mesures transitoires
– Engagement n°5 : Le ministère chargé de la santé et le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche s’engagent à développer les voies de formation à la spécialité IBODE
– Engagement n°6 : Le ministère chargé de la santé et le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche s’engagent à assurer la promotion de la spécialité IBODE à travers une communication large auprès des acteurs et à soutenir durablement son exclusivité d’exercice
– Engagement n°7 : Le ministère chargé de la santé s’engage à assurer l’application des engagements du présent contrat par la création et la mise en œuvre d’un comité de suivi.
Les signataires retenus par la DGOS sont :
Pour l’Etat :
Pour les représentants des IBODE :
Pour les représentants des écoles de formation :
Pour les organisations représentant les chirurgiens libéraux :
L’UCDF a décidé de ne pas signer ce contrat d’engagement.
En conclusion
Différents syndicats dont l’UCDF – Le Bloc ont exprimé leur colère car, après la publication des décrets pour l’offre de soins en pédiatrique qui a détruit l’offre de soins chirurgicale pour les enfants de moins de 15 ans, la mise en place de cette réforme inutile et non justifiée par des carences professionnelles des IDE risque de faire souffrir nos équipes chirurgicales alors même que nos activités restent fortement perturbées depuis la crise COVID.
Aucun financement n’est prévu pour la formation et aucune rémunération supplémentaire n’est envisagée pour les IBODE qui auraient légitimement le droit à une reconnaissance financière de leurs 2 ans de formation (2 800 heures de formation : 1155 heures théoriques, 1 645 heures pratiques).
Ceci étant dit, une majoration de 500€ net par mois représenterait pour l’ensemble des aides-opératoires une enveloppe au niveau national de plus de 350 millions d’euros ce que le PLFSS n’a absolument pas prévu.
Les étudiants ne se trompent pas : sur les 700 places en école d’IBODE seulement 500 ont été pourvues cette année !!
Cette réforme ne se justifiait pas, seule la reconnaissance financière des IBODE suffisait pour soutenir des vocations. Les chirurgiens pourraient déléguer plus d’actes aux IBODE à l’instar du couple Anesthésiste-IADE mais à l’heure des Infirmières en Pratique Avancée ces réformes inquiètent inutilement le monde chirurgical qui déjà aujourd’hui est asservi violemment à des contraintes administratives et à des manques de moyens humains et matériels.
Dans le monde KAFKA, où réalisme et absurdité se mixtent avec panache : Devoir et Pouvoir sont définitivement opposés en chirurgie…
Pour le moment, vous pouvez toujours embaucher des IDE à condition qu’elles aient un an d’expérience en aide-opératoire avant le 31 décembre 2030, si le décret est confirmé par le Conseil d’Etat de s’inscrire auprès du Préfet de façon temporaire pour réaliser leur 21h de formation pour les mesures transitoires 10 gestes avant le 31/12/2031.
Contact Medirisq :
contact@medirisq.fr – 04 76 70 90 00
http://www.medirisq.fr/
Bibliographie :
IBODE or NOT IBODE : quand KAFKA rentre au bloc opératoire !!
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