Interview du Docteur Parvine BARDON* (mise à jour du 4 avril 2024)

Devenir maître de stage des universités est une formidable opportunité d’ouverture vers les jeunes médecins. Nous avons recueilli le témoignage éclairant du Docteur Parvine Bardon qui, avec ses confrères de la région Centre Val de Loire, a été pilote dans la mise en place des MSU de spécialité gynécologie médicale.

 

S : Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est un MSU ?

P.B : un Praticien Agréé Maître de Stage des Universités – plus communément appelé MSU – est un médecin de ville qui accueille dans le cadre de stages des étudiants en médecine qui sont entre la 5ème année (externat) et la fin de la 9ème année (internat) afin de leur permettre de découvrir la médecine générale de premier recours. Le MSU a un rôle important, décisif et complémentaire dans la formation de l’étudiant en médecine.

Pour les externes, il offre l’opportunité de découvrir pendant 6 semaines l’exercice libéral et de faire un choix éclairé aux ECNI ; pour les internes, il constitue une découverte de l’exercice libéral de leur spécialité, et pas seulement pour la médecine générale. Après une phase d’observation active, les internes assurent progressivement les consultations en autonomie supervisée.

S : En région Centre Val-de-Loire vous avez été pilote de ces stages ambulatoires dans votre spécialité de gynécologie médicale. Comment avez-vous procédé ?

P.B : pour les stages en médecine générale, c’est le département de médecine générale de la faculté qui organise tout, formation et projet pédagogique. Ce n’était pas le cas pour les médecins spécialistes puisque ce n’était pas encore officiel. Il s’agissait d’initiatives très personnelles relevant d’une volonté délibérée d’avancer dans ce domaine, il ne s’agissait pas d’une volonté officielle, la direction de la santé ne s’y intéressant que depuis peu.

Nous avons organisé plusieurs réunions en 2016 et début 2017 avec le doyen de la faculté de Médecine de Tours, Pr Diot et le professeur coordinateur de la spécialité et vice-doyen, Pr Marret. Nous avons obtenu leur soutien et leur accord. L’ARS Centre Val-de-Loire était tout acquise à cette cause, convaincue de la nécessité de former des médecins de 2ème recours dans des territoires un peu éloignés du CHU.

Il nous fallait ensuite organiser rapidement une formation pour devenir MSU en spécialités médicales autres que médecine générale. L’association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) avait déjà obtenu l’agrément pour faire cette formation multi-spécialités. Nous avons obtenu le soutien de l’URPS-Médecins Centre Val-de-Loire et avons organisé une première formation dans les locaux de l’URPS en février 2017 : elle a réuni une douzaine de MSU dans diverses spécialités. Cette première session nous a permis de finaliser le projet pédagogique validé par le Pr Marret pour la commission d’agrément de mai 2017. Le Pr Marret s’est d’ailleurs montré très enthousiaste et l’a diffusé à certains professeurs de Gynécologie d’autres facultés, désireux de mettre en place eux-aussi des stages ambulatoires.

Nous avons été agréés MSU officiellement et notre stage a été choisi par la première interne en novembre 2017 !
A ce jour ont été formés et validés des MSU en pédiatrie, cardiologie, radiologie,  dermatologie,  gastro entérologie,  gynécologie , psychiatrie , urologie , oncothérapie…en tout, une vingtaine de MSU de spécialités. A l’époque il a fallu « se battre » contre des idées préconçues :  ce n’était pas dans la maquette officielle des formations et certains professeurs craignaient que ces stages ambulatoires ne soient pas suffisamment formateurs. A présent les stages ambulatoires sont officialisés.

S : Comment se déroule la formation de MSU ?

P.B : le praticien reçoit une formation initiale pour son agrément en qualité de maître de stage, dont les objectifs sont définis en annexe de l’arrêté du 22 décembre 2021[1] modifié fixant les objectifs pédagogiques de la formation à l’accueil, à l’encadrement et à l’évaluation d’un étudiant de deuxième ou de troisième cycle des études de médecine. Le plus important est d’expliciter les aspects spécifiques de nos différentes spécialités et la manière de les transmettre par le compagnonnage pour produire le projet pédagogique destiné à obtenir l’agrément de MSU.

S : Et comment se déroule l’accueil des internes en ambulatoire ?

P.B : le stage de 6 mois fait l’objet d’une convention entre le CHU, le professeur responsable de la spécialité, le MSU et l’interne.  Nous avons constitué un quadrinôme orléanais afin que chaque jour l’interne change de praticien. Le 5ème jour, l’interne est libre pour gérer sa formation théorique ou préparer sa thèse ; elle a la possibilité (mais non l’obligation) d’effectuer des gardes à l’Hôpital d’Orleans ou assister à la RCP (Réunion de Concertation Multidisciplinaire) de diagnostic anténatal ou de cancérologie, ou suivre l’échographiste de référence ou participer à une formation médicale continue (par exemple l’EPUNG). Elle s’investit ainsi pleinement dans toute la vie professionnelle du gynécologue libéral.

Sur un plan pratique, l’interne est mise en autonomie progressive : d’abord en supervision directe pendant un mois environ, puis comme j’ai un grand bureau et une salle d’examen séparée, pendant que l’interne examine la patiente, je reste dans le bureau et je profite de ce temps pour faire la lecture des résultats d’examens ou la relecture du dossier de la patiente, sauf si elle exprime le besoin que je vérifie l’examen clinique. Ensuite je laisse l’interne effectuer le reste de la consultation à mon bureau, en étant prête à intervenir si besoin. Progressivement l’interne s’approprie le logiciel et peut effectuer les prescriptions et toutes les formalités (carte vitale, etc…).

La mise en autonomie se fait très naturellement au fil des jours. Cependant, je reste convaincue de la richesse des échanges liés à la présence du sénior au côté du junior : pour moi il s’agit d’un vrai compagnonnage, plus enrichissant pour l’interne que de la laisser toute seule et débriefer en fin de journée à toute vitesse…

S : Quelles sont les modalités de prise en charge ?

P.B : depuis 2023, les actions de formation initiales et continues relatives à la maitrise de stage universitaire sont financées par l’Agence pour le compte de l’Etat sur un budget spécifique. Toutes les inscriptions à des actions de maîtrise de stage universitaire sont imputées sur cette enveloppe fléchée. Les montants des forfaits de prise en charge (frais pédagogiques et indemnisation pour perte de revenus) sont à ce stade identiques à ceux qui ont été définis pour les actions de DPC[2] des médecins, par la section professionnelle des médecins. En revanche, les inscriptions ne sont pas imputées sur le droit de tirage annuel ni en consommation du plafond triennal de formation continue.

S : Quels bénéfices y voyez-vous pour les internes ? comment leur présence est-elle perçue par vos patientes ?  

P.B : de ma propre expérience, je dirais que c’est un vrai succès. Notre région n’a que 5 internes de gynécologie médicale sur les 4 années de formation actuellement : nous n’étions donc pas assurés d’avoir un(e) interne à chaque semestre. Mais en pratique le stage est plébiscité et nous accueillons à chaque semestre une interne depuis novembre 2017.

Nous acceptons également d’avoir des internes de médecine générale qui effectuent leur stage de gynécologie.  Ainsi j’ai personnellement accompagné 2 internes par semestre ,1 jour par semaine chacun.

Le fonctionnement en quadrinôme permet d’établir un emploi du temps simple : chaque MSU du quadrinôme  accueillant l’interne un jour fixe par semaine .

En libéral, nous avons une relation privilégiée et sur la durée avec la patiente, ce qui présente un aspect différent de la consultation à l’hôpital. Ce stage en ambulatoire permet à l’interne d’acquérir un savoir-être dans la relation qu’on doit avoir la patiente, c’est-à-dire être ni intrusif ni trop effacé, ne pas regarder que le côté technique, savoir poser les bonnes questions, avoir la relation juste et personnelle avec la patiente pour qu’elle puisse se confier. Les patientes apprécient beaucoup qu’on discute devant elles de leur cas de manière approfondie et qu’elles puissent participer au choix thérapeutique : c’est un point important que l’on apprend aux internes dans le cadre de ce stage.

Les internes sont surpris au début du stage par l’aspect global de la prise en charge en gynécologie de ville : c’est une vraie médecine de la Femme. Par exemple nous sommes très attachés à la prévention en général : risque cardio-vasculaire, prévention de l’ostéoporose, dépistage de tous les cancers gynécologiques, sevrage tabagique etc…

Contrairement aux internes de médecine générale qui terminent en autonomie complète dans leur stage de médecine générale (SASPAS), nous  encadrons totalement nos internes :  ils ont des échanges permanents avec le senior qu’ils n’auront pas la possibilité d’avoir par la suite. Et cela se passe très bien avec la patiente, elles sont très contentes de voir des jeunes se former et arriver sur leur territoire, et n’ont pas de frein pour divulguer des choses intimes comme des violences conjugales ou des viols. Cela ne peut pas toujours se faire lors d’une consultation parfois rapide à l’hôpital…

S : En tant que MSU, comment vivez-vous ce compagnonnage ?

P.B : c’est une belle expérience. Cela fait quarante ans que je pratique la gynécologie, et notre collège de gynécologie souhaitait mettre en place ce type de stage depuis de longues années. Nous étions en avance et avons eu beaucoup de freins au départ. Aujourd’hui cela est encouragé et je m’en réjouis. Maintenant avec des étudiants plus nombreux, les stages ambulatoires s’imposent et les internes de spécialités en sont très satisfaits.

Un seul bémol : la rémunération d’un MSU (par la faculté qui reçoit une dotation de l’ARS) est dérisoire au regard de son investissement auprès du stagiaire : le montant est de 600 euros par mois, qui doit être divisé par le nombre de maîtres de stage (soit 150 euros/MSU pour notre quadrinôme). Or à mon sens, il est impossible de gérer tout seul un interne, il faut au moins être trois.

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044554464

[2] cf. critères et procédure de prise en charge 2024 respectivement disponibles pour les médecins sur l’espace PS et pour les organismes sur l’extranet ODPC

 

* Gynécologue médicale et obstétrique, Trésorière  du Conseil de l’Ordre du Loiret, du Collège de Gynécologie du Centre Val de Loire, et  de l’association MOTS (qui prend en charge les médecins en difficultés de 8 grandes régions),  également membre du CA de la CPTS Orléanaise .

 

Pour en savoir plus :

Dépôt des actions et création des cessions
L’Agence nationale du DPC développe actuellement un système d’information spécifiquement dédié à la gestion par les ODPC des actions et sessions de MSU. Dans cette attente, les nouvelles actions initiales et continues que les ODPC souhaiteraient déposer, sont à déposer via l’onglet de dépôt des actions de DPC. Pour rappel, leur contenu doit se référer au cahier des charges en annexe de l’arrêté du 22 décembre 2021 modifié susmentionné. En juin 2023, le ministre de la Santé a autorisé dérogatoirement un dépôt de formations initiales par cycle. Seuls les ODPC enregistrés pour les médecins peuvent déposer des actions de MSU et uniquement pour les spécialités pour lesquelles ils sont enregistrés. 2024 MISE À JOUR DU 11 DÉCEMBRE 2023 Maitrise de Stage Universitaire (MSU) 3 Attention également au public visé : il convient de vérifier les spécialités médicales dont la maquette prévoit un ou plusieurs semestres en ambulatoire encadré par un maître de stage universitaire.

Source : ANDPC – Spécificités de prise en charge des actions de MSU – 11 décembre 2023

Devenir Maître de Stage des Universités (MSU) en gynécologie médicale

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