La politique française concernant la contraception n’a jamais été satisfaisante. En 2011, dans un communiqué de presse, les autorités de santé semblent découvrir une situation paradoxale: un recours élevé à l’interruption volontaire de grossesse qui n’est pas enrayé par un recours élevé à la contraception. Avec 220.000 IVG par an, la France détient le record européen. Certains institutionnels commencent alors à fustiger « un modèle contraceptif figé », l’alerte à la pilule de 2012 va leur servir de levier inespéré pour tenter « d’assouplir un modèle contraceptif fortement centré sur la pilule ». Quatre années plus tard, on peut en constater les dommages.
C’est en décembre 2012, qu’une jeune femme porte plainte contre un laboratoire pharmaceutique pour avoir subi un accident vasculaire cérébral attribué à sa contraception, une pilule dite de 3ème génération. Surgit alors une intense polémique institutionnelle et médiatique concernant une contraception orale décriée comme trop souvent prescrite dans un modèle contraceptif peu diversifié. Ne pouvant ou ne voulant contenir cette déferlante, les autorités de la santé préfèrent surfer sur la vague.
Reprendre la main sur la contraception? C’est davantage de pouvoir sur les femmes et les médecins. En réduire le coût? C’est davantage d’économie. Favoriser l’IVG plutôt que la contraception? C’est s’assurer de la sympathie militante de ceux qui en vivent. Les autorités de santé se tournent alors vers l’Europe pour que les dangers de la pilule de 3ème génération soient réévalués. Celle-ci se penche sur la question et… déboute un à un les arguments français. Ce camouflet européen n’a que peu d’échos dans les médias et les autorités de santé se gardent bien d’en faire commentaires pour remettre d’équerre le débat de la contraception orale. Bien au contraire, le déremboursement de la pilule de 3ème génération est décidé ainsi que la prise en charge complète de l’IVG.
En 2014, Nathalie Bajos, sociologue, analyse le « nouveau paysage contraceptif ». C’est joliment dit sauf que le « nouveau paysage » figure un champ de ruines que le maniement des statistiques peine à rehausser. Le déremboursement des pilules de 3ème génération a été perçu comme un signal de défiance et l’alerte lancée à l’Europe comme celui d’un danger. Les patientes, affolées, ont massivement abandonné une contraception orale de 3ème génération qui leur convenait fort bien sans pour autant reporter leur choix sur une pilule de 2ème génération, comprenant moins d’effets adverses et pourtant gratuite. Les femmes à revenus faibles ou moyens (employées, professions intermédiaires, techniciennes) ont opté pour le préservatif qui n’est pas remboursé mais dont le coût ne les a pas détournées de son usage. La gratuité n’aurait-elle donc pas l’influence systématique qu’on lui prête dans un choix contraceptif? Quant aux femmes les plus diplômées et les plus aisées, la majorité d’entre elles s’est reportée sur le stérilet qui est remboursé.
La désaffection pour la contraception orale ne ferait pas problème si les choix s’étaient majoritairement reportés sur des contraceptions efficaces. Or les méthodes anciennes (calcul des dates, retrait) et leur fort taux d’échecs sont revenus en force. Cependant c’est avec une belle assurance que le rapport de l’Ined affirme: « Cette reconfiguration du paysage contraceptif, même si elle se traduit par une hausse du recours aux méthodes moins efficaces (dates, retrait), ne devrait cependant pas s’accompagner d’une hausse sensible des grossesses non prévues pour la population dans son ensemble »!
Et c’est sans compter que les méthodes dites naturelles impliquent le retour à une sexualité contrainte: taire sa libido sur les dates risquées, la forcer sur les dates moins risquées puis courir le risque d’une grossesse quand les variabilités d’un cycle transforment une date à faible risque en date à haut risque. Quant à la contraception pratiquée avec la méthode du retrait (coïtus interruptus), outre un fort risque d’échec, elle relève davantage d’un évitement furtif et inquiet que d’un plaisir partagé.
Ces contraceptions dites « naturelles » ou ces méthodes naturelles dites « contraceptives » n’en sont ni l’une, ni l’autre. Elles sont le contraire du principe contraceptif dont l’objectif est de libérer la sexualité d’un couple en le protégeant d’une grossesse non désirée de même qu’elles sont anti naturelles car elles ne respectent pas les fonctions érotique et sexuelle du couple. Or ce sont les femmes les moins diplômées, les moins aisées et les plus précaires qui optent majoritairement pour ces méthodes, s’exposant plus que les autres à des grossesses non désirées et à une sexualité entravée.
Ce nouveau « paysage contraceptif », souhaité par les autorités et configuré par la peur plus que la raison scientifique est actuellement responsable d’une l’augmentation de 5% du taux d’IVG .Dans certaines régions de France, les médecins constatent des augmentations très largement supérieures. Les autorités de santé ne concèdent qu’une augmentation de la répétition des IVG: une femme qui recourt à l’IVG a une plus forte probabilité d’en pratiquer d’autres. Bien que déniant le mauvais résultat, force est de constater qu’elles l’ont anticipé en favorisant une politique d’IVG. Ceci tend à démontrer qu’elles savaient ce qu’elles faisaient en venant accompagner la destruction de l’ancien modèle contraceptif, jugé « figé » et « non consensuel » .
Cependant à préférer les techniques d’évacuation d’utérus gravide aux techniques contraceptives efficaces, il apparait non seulement que les autorités de santé manquent à leur devoir de prévention mais qu’elles exposent à davantage d’adversité des femmes qui en ont déjà leur compte. La contraception des masses populaires, victime des idéologues? Ironiquement le « nouveau paysage contraceptif » en est réduit aux capacités de débrouillardise de chaque individu car ce sont bien les femmes les plus âgées, les plus diplômées et les plus aisées qui s’en arrangent le mieux. Mais à ce nouveau jeu des capacités individuelles (éducation, culture, expérience, finances etc…), les plus démunis perdent. Ne pouvait-on rêver mieux?
L’absence ou l’inefficacité d’une contraception impacte la santé des femmes mais aussi leur trajectoire de vie affective, amoureuse, sexuelle, familiale, professionnelle. La politique contraceptive étant trop essentielle pour en taire poliment l’échec, les autorités de santé ainsi que les institutionnels qui les conseillent seraient bien inspirés de s’auto-évaluer, d’admettre leurs erreurs et de corriger rapidement les détériorations qu’ils ont causées à la condition féminine.
Contraception, l’échec cuisant des autorités de santé
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