Interview du Docteur Parvin Bardon, Gynécologue médicale, Secrétaire adjointe du Conseil de l’Ordre du Loiret et de l’URPS ML Centre Val-de-Loire*

Alors que les stages extrahospitaliers sont envisagés pour toutes les spécialités, nous avons recueilli le témoignage éclairant du Docteur Parvine Bardon qui, avec ses confrères de la région Centre Val de Loire, a été pilote dans la mise en place des MSU de spécialité gynécologie médicale.

S : Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est un MSU ?

P.B : un Praticien Agréé Maître de Stage des Universités – plus communément appelé MSU – est un médecin de ville qui accueille dans le cadre de stages des étudiants en médecine qui sont entre la 5ème année (externat) et la fin de la 9ème année (internat) afin de leur permettre de découvrir la médecine générale de premier recours. Le MSU a un rôle important, décisif et complémentaire dans la formation de l’étudiant en médecine. Il lui permet d’accéder à ce terrain d’apprentissage qu’est l’ambulatoire. La maîtrise de stage existe pour la médecine générale depuis plus de 15 ans. Son développement et celui des stages extrahospitaliers est aujourd’hui envisagé dans l’ensemble des spécialités ayant un exercice majoritairement ambulatoire et qui ont inscrit la possibilité de ces stages dans leur maquette de formation. Une mise en place est prévue pour les spécialités volontaires dès le semestre d’internat de novembre 2020.

S : En région Centre Val-de-Loire vous avez été pilote de ces stages ambulatoires dans votre spécialité de gynécologie médicale. Comment avez-vous procédé ?

P.B : pour les stages en médecine générale, c’est le département de médecine générale de la faculté qui organise tout, formation et projet pédagogique. Ce n’était pas le cas pour les médecins spécialistes puisque ce n’était pas encore officiel. Il s’agissait d’initiatives très personnelles relevant d’une volonté délibérée d’avancer dans ce domaine, il ne s’agissait pas d’une volonté officielle, la direction de la santé ne s’y intéressant que depuis peu.

Nous avons organisé plusieurs réunions en 2016 et début 2017 avec le doyen de la faculté de Médecine de Tours, Pr Diot et le professeur coordinateur de la spécialité et vice-doyen, Pr Marret. Nous avons obtenu leur soutien et leur accord. L’ARS Centre Val-de-Loire était tout acquise à cette cause, convaincue de la nécessité de former des médecins de 2ème recours dans des territoires un peu éloignés du CHU.

Il nous fallait ensuite organiser rapidement une formation pour devenir MSU en spécialités médicales autres que médecine générale. L’association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) avait déjà obtenu l’agrément pour faire cette formation multi-spécialités. Nous avons obtenu le soutien de l’URPS-Médecins Centre Val-de-Loire et avons organisé une première formation dans les locaux de l’URPS en février 2017 : elle a réuni une douzaine de MSU dans diverses spécialités. Cette première session nous a permis de finaliser le projet pédagogique validé par le Pr Marret pour la commission d’agrément de mai 2017. Le Pr Marret s’est d’ailleurs montré très enthousiaste et l’a diffusé à certains professeurs de Gynécologie d’autres facultés, désireux de mettre en place eux-aussi des stages ambulatoires.

Nous avons été agréés MSU officiellement et notre stage a été choisi par la première interne en novembre 2017 ! PROJET PEDAGOGIQUE MSU GYNECO ORLEANS + annexe evaluation interne

A ce jour ont été formés et validés des MSU en pédiatrie, cardiologie, radiologie,  dermatologie,  gastro entérologie,  gynécologie , psychiatrie , urologie , oncothérapie…en tout, une vingtaine de MSU de spécialités. A l’époque il a fallu « se battre » contre des idées préconçues :  ce n’était pas dans la maquette officielle des formations et certains professeurs craignaient que ces stages ambulatoires ne soient pas suffisamment formateurs. A présent les stages ambulatoires sont officialisés.

S : Comment se déroule la formation de MSU ?

P.B : il s’agit d’une formation sur 2 jours qui permet d’acquérir les aspects généraux (conditions administratives et organisationnelles) et les bases pédagogiques nécessaires à la transmission de notre pratique spécifique pour acquérir la capacité d’accueillir des internes dans un cabinet de ville et construire le projet pédagogique. Le plus important est d’expliciter les aspects spécifiques de nos différentes spécialités et la manière de les transmettre par le compagnonnage pour produire le projet pédagogique destiné à obtenir l’agrément de MSU.

S : Et comment se déroule l’accueil des internes en ambulatoire ?

P.B : le stage de 6 mois fait l’objet d’une convention entre le CHU, le professeur responsable de la spécialité, le MSU et l’interne.  Nous avons constitué un quadrinôme orléanais afin que chaque jour l’interne change de praticien. Le 5ème jour, l’interne est libre pour gérer sa formation théorique ou préparer sa thèse ; elle a la possibilité (mais non l’obligation) d’effectuer des gardes à l’Hôpital d’Orleans ou assister à la RCP (Réunion de Concertation Multidisciplinaire) de diagnostic anténatal ou de cancérologie, ou suivre  l’échographiste de référence ou participer à une  formation médicale continue (par exemple l’EPUNG ) . Elle s’investit ainsi pleinement dans toute la vie professionnelle du gynécologue libéral.

Sur un plan pratique, l’interne est mise en autonomie progressive : d’abord en supervision directe pendant un mois environ, puis comme j’ai un grand bureau et une salle d’examen séparée, pendant que l’interne examine la patiente, je reste dans le bureau et je profite de ce temps pour faire la lecture des résultats d’examens ou la relecture du dossier de la patiente, sauf si elle exprime le besoin que je vérifie l’examen clinique. Ensuite je laisse l’interne effectuer le reste de la consultation à mon bureau, en étant prête à intervenir si besoin. Progressivement l’interne s’approprie le logiciel et peut effectuer les prescriptions et toutes les formalités (carte vitale, etc…).

La mise en autonomie se fait très naturellement au fil des jours. Cependant, je reste convaincue de la richesse des échanges liés à la présence du sénior au côté du junior : pour moi il s’agit d’un vrai compagnonnage, plus enrichissant pour l’interne que de la laisser toute seule et débriefer en fin de journée à toute vitesse…

S : Quels bénéfices y voyez-vous pour les internes ? comment leur présence est-elle perçue par vos patientes ?  

P.B : de ma propre expérience, je dirais que c’est un vrai succès. Notre région n’a que 5 internes de gynécologie médicale sur les 4 années de formation actuellement : nous n’étions donc pas assurés d’avoir un(e) interne à chaque semestre. Mais en pratique le stage est plébiscité et nous accueillons à chaque semestre une interne depuis novembre 2017. Nous acceptons également d’avoir des internes de médecine générale qui effectuent leur stage de gynécologie.  Ainsi j’ai personnellement accompagné 2 internes par semestre ,1 jour par semaine chacun.

En libéral, nous avons une relation privilégiée et sur la durée avec la patiente, ce qui présente un aspect différent de la consultation à l’hôpital. Ce stage en ambulatoire permet à l’interne d’acquérir un savoir-être dans la relation qu’on doit avoir la patiente, c’est-à-dire être ni intrusif ni trop effacé, ne pas regarder que le côté technique, savoir poser les bonnes questions, avoir la relation juste et personnelle avec la patiente pour qu’elle puisse se confier. Les patientes apprécient beaucoup qu’on discute devant elles de leur cas de manière approfondie et qu’elles puissent participer au choix thérapeutique : c’est un point important que l’on apprend aux internes dans le cadre de ce stage.

Les internes sont surpris au début du stage par l’aspect global de la prise en charge en gynécologie de ville : c’est une vraie médecine de la Femme. Par exemple nous sommes très attachés à la prévention en général : risque cardio-vasculaire, prévention de l’ostéoporose, dépistage de tous les cancers gynécologiques, sevrage tabagique etc… Contrairement aux internes de médecine générale qui terminent en autonomie complète dans leur stage de médecine générale (SASPAS), nous  encadrons totalement nos internes :  ils ont des échanges permanents avec le senior qu’ils n’auront pas la possibilité d’avoir par la suite.

Et cela se passe très bien avec la patiente, elles sont très contentes de voir des jeunes se former et arriver sur leur territoire, et n’ont pas de frein pour divulguer des choses intimes comme des violences conjugales ou des viols. Cela ne peut pas toujours se faire lors d’une consultation parfois rapide à l’hôpital…

S : En tant que région pilote des stages MSU en spécialités, quel intérêt voyez-vous dans leur généralisation à l’échelle nationale ?

P.B : les internes choisissent leur stage par ordre de classement et à ce titre, notre stage étant très prisé, nous n’avons eu que des internes ( filles) très motivées. Pour un territoire en sous densité médicale comme le nôtre, ces stages sont un moyen de remédier à la désertification médicale. Cela suscite des vocations pour s’installer en ville : les internes de médecine générale que nous avons reçues pour leur stage de gynécologie médicale s’installent toutes dans la région d’Orléans et elles auront reçu une formation gynécologique de base de qualité.

Pour l’anecdote, à Bazoches-les-Gallerandes, il y a une maison de santé pluridisciplinaire créée par des généralistes et un jour par semaine ils accueillent un cardiologue, et un pneumologue. Le cardiologue est l’ancien chef de service de l’hôpital, ravi de venir un jour par semaine dans la province profonde, idem pour le pneumologue : ils disent qu’ils ne se sont jamais sentis aussi utiles ! Comme quoi la médecine ambulatoire, si elle s’organise bien, peut être attirante aussi, même à la campagne.

Par ailleurs, ces stages en cabinet libéral permettent d’éviter que nos internes soient pris directement par les CHU pour les services d’AMP : il y a tellement peu de gynécologues médicaux qu’ils sont « happés » pour faire tourner les centres d’AMP ayant plus de compétences en endocrinologie gynécologique que les internes de gynécologie obstétrique.

Pour le MSU, c’est une belle expérience. Cela fait quarante ans que je pratique la gynécologie, et notre collège de gynécologie souhaitait mettre en place ce type de stage depuis de longues années. Nous étions en avance et avons eu beaucoup de freins au départ. Aujourd’hui cela va être encouragé et je m’en réjouis. Maintenant avec des étudiants plus nombreux, les stages ambulatoires s’imposeront et les internes de spécialités en sont très satisfaits.

Un seul bémol : la rémunération d’un MSU (par la faculté qui reçoit une dotation de l’ARS) est dérisoire au regard de son investissement auprès du stagiaire : le montant est de 600 euros par mois, qui doit être divisé par le nombre de maîtres de stage (soit 150 euros/MSU pour notre quadrinôme). Or à mon sens, il est impossible de gérer tout seul un interne, il faut au moins être trois.

S : Comment devient-on MSU et qui délivre la formation ?

P.B : Il faut en faire la demande auprès du professeur de spécialité concernée et ensuite s’inscrire pour une formation pédagogique agrée.  Cette formation est prise en charge comme un DPC hors quota, c’est-à-dire que le médecin « stagiaire » est indemnisé pour sa perte d’activité et ce DPC n’est pas décompté de son quota normal de DPC (qui est de 2,5 jours par an). L’AFPA est agréée pour toutes les spécialités. La faculté voudrait effectuer cette formation, mais nous ne sommes pas en phase avec cette idée car il nous semble que si c’est la faculté, nous n’aurons qu’un point de vue universitaire et il manquera le point de vue libéral.

S : Voyez-vous encore des freins à lever pour le développement des stages de spécialités ?

P.B : Actuellement nos institutions (université, ARS, ministère)  veulent tout régenter. Or il faut laisser de l’initiative aux médecins libéraux : en général ils ont des bonnes idées car au plus près du terrain. Si on leur met un carcan administratif, ce sera contreproductif.

L’idée est d’avoir une certaine autonomie, tant dans la formation que dans l’application, tout en étant évalué. Nous comprenons parfaitement la nécessité d’être chapeautés par le professeur coordinateur de la spécialité et tous les documents sont signés par le doyen.

Beaucoup d’Orléanais et le maire en premier souhaiteraient la création d’une antenne de la faculté de Médecine à Orléans pour faciliter les vocations de jeunes lycéens ayant peu de moyens. Jusqu’à aujourd’hui, le doyen y est opposé mais il est très favorable aux stages ambulatoires dans les territoires éloignés, car il est conscient que c’est un des moyens d’attirer de futurs jeunes confrères dans ces territoires.

De nombreuses initiatives de certaines mairies sont à souligner. Par exemple, suite à la sollicitation de l’URPS, le maire d’Orléans met à la disposition des internes des logements meublés, toutes charges payées, de manière à ce qu’ils n’aient pas à payer à la fois leur logement à Tours pour la faculté et leur logement à Orléans durant la durée de leur stage.  Et puis en vivant sur place durant leur stage, ils découvrent la ville et cela peut leur donner envie de s’y installer. C’est vraiment la seule façon de lutter contre la désertification. Si l’URPS a soutenu ce projet depuis plus de trois ans, c’était dans ce but.

*membre du bureau du Collège de Gynécologie du Centre Val de Loire, médecin référent de l’association MOTS qui prend en charge les médecins de 8 grandes régions.

 

Jusqu’à présent on pouvait devenir MSU pour 4 types de stages :

  • Le stage de deuxième cycle destiné aux externes.
  • Le stage dit « de niveau 1 » pour l’interne de MG durant la « phase socle », c’est-à-dire la 1ère année d’internat.
  • Le stage dit « de niveau 2 » ou SASPAS Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoires Supervisés) pour l’interne de MG durant la « phase d’approfondissement », à réaliser lors de la 3ème année d’internat.
  • Les stages ambulatoires validant la santé de l’enfant et de la femme, durant la « phase d’approfondissement », soit lors des 2ème et/ou 3ème années d’internat.
    Source : https://www.medecinmsu.fr/

La nouveauté ce sont donc les stages d’internat de spécialités qui vont se généraliser  ( à partir du  5 ème semestre pour l’internat de gynécologie médicale )

Quelles obligations vis-à-vis des patientes ?

  • Une affiche, fournie par la faculté de médecine, doit être accrochée dans la salle d’attente Affiche Doyen
  • Le secrétariat et/ou le MSU informe(nt)  de la présence de l’interne et de la possibilité de refuser qu’elle assiste à la consultation.

Devenir Maître de Stage des Universités (MSU) en gynécologie médicale

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