Interview du Dr Hubert SEVIN, médecin généraliste, Délégué Régional de l’association SPS* 

En novembre 2018, le Docteur Hubert SEVIN publiait un Rapport sur l’assurance prévoyance du médecin libéral. Rédigé avec le soutien et l’accompagnement de la commission santé de l’URPS MLB, l’enquête menée auprès des médecins libéraux de Bretagne concluait à l’imprévoyance des médecins libéraux, c’est-à-dire l’absence ou le mauvais contrat de prévoyance complémentaire, souvent désigné́ à tort de « facultatif » et semblant être un frein à la prise en charge de la santé des médecins libéraux. Hubert SEVIN, médecin généraliste, par ailleurs Délégué régional de l’association SPS (Soins aux Professionnels en santé), nous éclaire sur les conséquences de cette imprévoyance et nous livre ses recommandations pour souscrire le bon contrat de prévoyance complémentaire.

S : Votre étude traite de l’imprévoyance des médecins libéraux et des conséquences sur leur activité. Qu’entendez-vous par là ?

H.S : La formation médicale conditionne le médecin à prendre soin des autres, à s’abstraire lui-même et à ne surtout pas penser qu’un jour, il pourrait être le patient. Or si on n’a pas de contrat de prévoyance ou si on n’a pas un bon contrat de prévoyance, on ne pourra pas se soigner correctement. Notre profession devrait enfin considérer que la démarche d’organiser sa prévoyance complémentaire est un acte de prévention “zéro” en amont de la prévention primaire, indispensable pour le médecin libéral.

Complexité des contrats d’assurance : soit forfaitaire soit indemnitaire

S : Au moment du choix de sa prévoyance complémentaire, le médecin est confronté à la complexité des montages des contrats. Comment s’y retrouver ?

H.S : Pour faire simple, il existe deux types de contrats : forfaitaire et indemnitaire. Les contrats forfaitaires sont les meilleurs car on sait pour combien on s’assure par mois en fonction de ses besoins (salaires et charges). Mais peu de contrats le sont ! La plupart des contrats souscrits par les médecins sont indemnitaires, c’est-à-dire qu’ils indemnisent en fonction d’une moyenne du bénéfice calculée sur les 3 dernières années ou parfois sur la moins bonne année d’activité. Il en résulte une indemnisation moindre.

Par ailleurs, il faut savoir que si on n’est pas à jour de ses cotisations à la CARMF (la prévoyance obligatoire), dans le cas où on a souscrit un contrat indemnitaire de prévoyance complémentaire, celle-ci ne va pas suivre car elle indemnise en fonction de ce que donne la CARMF. C’est aussi pour cela qu’il faut avoir une prévoyance forfaitaire qui est indépendante de la prévoyance obligatoire.

Privilégier les contrats collectifs

S : Vous recommandez les contrats dits « collectifs ». Est-il possible pour un médecin libéral de souscrire un tel contrat ?

H.S : Souvent les médecins prennent des contrats dits « individuels ». Ceux-ci comportent une sélection médicale et en fonction de leur pathologie, soit les médecins sont exclus, soit ils doivent payer une surprime qui est de plus en plus chère en fonction de l’âge qui avance. En fin de carrière, ces contrats sont tellement chers que les médecins les arrêtent. Or il existe des contrats qui sont sans sélection médicale avant 53 ans, et donc sans exclusion : ce sont les contrats dits « collectifs ». Il s’agit d’une extension de contrats qui au départ sont destinés aux cadres des grandes entreprises et qui sont ouverts aux libéraux. Ils mutualisent le risque, leurs tarifs augmentent peu dans le temps car ils ne vont pas augmenter de façon individuelle avec l’âge de l’assuré, mais augmenter avec le temps en fonction de l’indice du coût de la vie. Donc même tard dans la carrière, ils restent à un coût raisonnable.

J’attire l’attention également sur l’importance de bien lire son contrat dans le détail car dans de nombreux contrats, les pathologies d’ordre psychiatrique comme l’épuisement au travail sont exclues ou ne sont couvertes que partiellement.

Réévaluer au moins tous les 3 ans son contrat de prévoyance

S : Dans votre étude, vous relevez des contrats de prévoyance complémentaire souvent insuffisants ou inadaptés à la situation des médecins ?

H.S : En effet, lors de leur installation, la plupart des médecins prennent une prévoyance complémentaire (à 90% environ). Mais trop souvent ils oublient de la réévaluer et restent donc sur des bases d’indemnisation d’un début d’activité qui ne prennent pas en compte le niveau de vie à l’instant T où ils tombent malades. C’est ce qu’on appelle l’imprévoyance relative. C’est pourquoi il est fortement recommandé de réévaluer son contrat de prévoyance tous les trois ans.

Pour cela je recommande de s’appuyer sur un courtier. Le courtier fait une veille et une analyse régulières de tous les contrats d’assurance qui existent sur le marché assurantiel, pour être à même de proposer les meilleurs contrats car c’est ce qui lui permettra de forger sa réputation.  Le courtier fait partie des « aidants ressources », c’est-à-dire qu’il vous suit régulièrement pour évaluer votre contrat, vous aide notamment à faire les démarches en cas de sinistre et fait l’intermédiaire entre l’assurance et l’assuré.

Il me semble important de souligner un autre point : dans un contrat de prévoyance initial il y a un délai de carence pour les risques rares mais graves, mais selon le code des assurances, quand on change de contrat de prévoyance, ce délai saute et il y a une continuité sur l’autre contrat même si ce n’est pas le même assureur. Il n’y a donc aucun risque à changer d’assureur pour avoir un meilleur contrat.

Pour tout renseignement complémentaire : Dr Hubert SEVIN : sevin.hubert@wanadoo.fr  et 06-63-05-88-23.

Télécharger le rapport : Rapport_H.-SEVIN_URPSMLB_Imprévoyance_Nov.-2018

 

Qu’est-ce que l’IMPREVOYANCE ?

Le Dr Yves Léopold décrivait 3 types d’imprévoyance ou 3 niveaux pouvant conduire un médecin libéral à une absence ou une mauvaise couverture financière en cas d’arrêt de travail ou d’invalidité́ :

1- L’imprévoyance totale : absence de couverture obligatoire et facultative par défaut d’inscription à l’une et à l’autre, ou retard, voir absence de cotisation à l’une et à l’autre.

2- L’imprévoyance technique : absence ou retard de déclaration administrative de l’arrêt de travail auprès des organismes de gestion des prestations d’indemnités journalières, notamment de la CARMF, la déclaration auprès de la CARMF conditionnant en général les prestations complémentaires dans la plupart des contrats dits facultatifs, notamment quand ils sont INDEMNITAIRES.

3- L’imprévoyance relative : absence totale de couverture facultative, ou retard de cotisation auprès de celle-ci, ou contrat de prévoyance complémentaire insuffisant ou inadapté́ à la situation professionnelle et/ou familiale du médecin libéral au moment de l’arrêt de travail.

 

*L’association Soins aux Professionnels en Santé (SPS) a pour origine le rassemblement d’un groupe d’experts souhaitant partager et défendre la santé des professionnels de santé. Créée en novembre 2015, SPS est une association nationale reconnue d’intérêt général :
• qui vient en aide aux professionnels en santé en souffrance au travail ;
• et qui agit en prévention pour le mieux-être.
SPS réalise des enquêtes, met en œuvre des actions et développe des outils innovants pour améliorer la qualité de vie des professionnels en santé, prévenir et protéger leur santé, optimiser leur activité et la prise en charge des patients. Plus d’informations : www.asso-sps.fr – Télécharger la brochure : Association SPS 

De l’imprévoyance du médecin libéral

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