Interview du Dr Parvine Bardon, gynécologie médicale et obstétrique, trésorière de la CPTS’O
(Communauté Professionnelle Territoriale de Santé Orléanaise)

Les CPTS ont été créées pour coordonner le parcours de soins et améliorer la prise en charge des patients, tout en améliorant les conditions d’exercice des professionnels de santé. Devant la disparition progressive de la gynécologie en libéral, les CPTS peuvent offrir de nouvelles perspectives de pratique, reconnue par les autres professionnels de santé, dans une filière de soins libérale et non plus seulement hospitalière. C’est ce que nous explique le Dr Bardon à travers l’exemple de la CPTS orléanaise qui se caractérise par sa grande taille, regroupant 16 communes de la métropole d’Orléans, soit  260 000 habitants.

S : Pouvez-vous nous présenter les CPTS ?

P.B : les CPTS (Communauté Professionnelle Territoriale de Santé) ont été introduites par la loi de modernisation du système de santé de 2016 pour coordonner le parcours de soins et améliorer la prise en charge des patients et promues par le Plan « Ma Santé 2022 » . En tant qu’association loi 1901, la CPTS réunit les professionnels de santé libéraux d’un territoire, tels que définis par le Code de la Santé Publique et souhaitant  y adhérer (gratuitement  pour notre CPTS’O, sachant que cela dépend du règlement intérieur propre à chaque CPTS).  Elle bénéficie de la rémunération spécifique prévue par l’Accord Conventionnel Interprofessionnel en faveur du développement de l’exercice coordonné et du déploiement des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé.

Ses missions sont l’amélioration de l’accès aux soins, l’organisation de parcours pluri professionnels, le développement d’actions de prévention, l’accompagnement des professionnels de santé et le développement de la qualité et de la pertinence des soins.

S : La CPTS orléanaise est particulièrement emblématique de par sa taille. Pouvez-nous nous expliquer son fonctionnement ?

P.B : la région Centre-Val-de-Loire est la région la plus sous-médicalisée de France selon le répertoire partagé des professions de santé (RPPS) au 1er janvier 2018. C’est pourquoi les professionnels de santé de la CPTS’O ont souhaité créer une communauté, gérée par eux-mêmes, leur permettant de communiquer entre eux, d’engager un décloisonnement  entre tous les acteurs de la santé afin d’améliorer la prise en charge du patient et leurs conditions d’exercice in fine.

Dans ses statuts, la CPTS orléanaise s’est donnée les objectifs généraux suivants :

  • Permettre à la population un accès à des soins de qualité et de proximité ;
  • Elaborer des projets de santé à l’échelle du territoire ;
  • Coordonner les relations interprofessionnelles des acteurs de santé du territoire à travers la mise en place de groupes de travail dédiés ;
  • Mutualiser les moyens et les tâches qui entrent dans le cadre des soins de proximité ;
  • Favoriser une formation professionnelle interdisciplinaire sur le territoire ;
  • Valoriser et faciliter l’exercice libéral des professionnels de santé du territoire ;
  • Faciliter l’intégration de jeunes professionnels

Ces objectifs ambitieux nécessitent  une coordinatrice, qui est notre chef d’orchestre : elle met en musique la partition d’une entité réunissant tous les professionnels de santé de la métropole qui souhaitent participer au projet de santé territorial, qu’ils exercent en maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou seuls. L’exercice « isolé » est encore la règle mais l’adhésion à la CPTS permet justement de sortir de l’isolement et d’améliorer ses pratiques. Sur 1500 professionnels de santé «potentiels », notre CPTS compte 377 adhérents dont 46 médecins généralistes et 41 spécialistes dont 18 gynécologues, ainsi que 21 sages-femmes.

S : En quoi les gynécologues peuvent-ils y contribuer et que peut leur apporter une CPTS ?   

P.B : en tant que médecin de la Femme, le gynécologue pratique une médecine globale qui s’intéresse à la patiente dans son milieu de vie, dans son ressenti, à tous les âges de sa vie, ce qui explique l’attachement de nos patientes. Il se rapproche en cela du pédiatre médecin de l’enfant et du médecin spécialisé en médecine générale.  Il n’est pas un technicien d’organe et connaît parfaitement sa patiente. Il est au centre du dépistage de très nombreuses pathologies : cancer, IST, diabète , pathologies cardio-vasculaires, ostéoporose …
A ce titre, le gynécologue est déjà interlocuteur du médecin généraliste et de la sage-femme, et il apprend à connaître tous les professionnels de santé de proximité pour travailler en réseau au bénéfice de tous.

Dans la CPTS,  le gynécologue qui a déjà l’habitude de travailler avec les sages-femmes,  va découvrir les autres professionnels de santé qui interviennent autour de la patiente, avec un enrichissement mutuel des pratiques .

Je vous citerai plusieurs exemples :

Dans le groupe de travail périnatalité : l’entretien prénatal précoce repère souvent des failles avec des risques de violences au sein du couple  : avoir un réseau de professionnels de proximité,  joignables immédiatement, sera une aide précieuse pour le couple et l’enfant à naître. Le pharmacien peut également avoir reçu des confidences et nous demander une prise en charge urgente. Avoir eu une formation commune sur la prise en charge des violences pourra prévenir des drames.

Concernant la prise en charge du post-partum :  le gynécologue qui suit les femmes enceintes doit communiquer le plus tôt possible  sur la prise en charge des mamans et des nouveau-nés à la sortie de la maternité : la sortie précoce de la maternité, le manque de professionnels de santé rendent encore plus nécessaire de faire connaître le parcours de soins aux mamans.

La prise en charge du diabète gestationnel, après une formation pluri profesionnelle, a été améliorée par la mise en place d’un protocole spécifique en coopération avec les MSP et tous les professionnels de santé du groupe .

La prévention du prolapsus est également multi professionnelle :  le suivi gynécologique prénatal soigneux avec une prise de poids maternelle contenue, le suivi diététique, la préparation à la naissance, la rééducation post-natale,  puis le suivi annuel de nos patientes tout au long de leur vie est l’occasion du dépistage de cette pathologie avant le stade chirurgical.

Dans le groupe de travail sevrage tabagique – dépistage BPCO[1] : la CPTS’O a formé 40 professionnels de santé très variés (de la diététicienne au kinésithérapeute, en passant par le chirurgien dentiste, le pharmacien, le psychothérapeute, l’addictologue, etc..) à la prise en charge du sevrage tabagique, formation actualisée  annuellement à l’occasion du « mois sans tabac » .  Une formation commune qui permet de diffuser les mêmes messages scientifiques validés à chaque rencontre de la patiente. Prenons l’exemple  de la femme enceinte  : le message court mais répété à chaque consultation prénatale est le moyen le plus efficace pour accompagner la patiente et permettre un sevrage en douceur au plus grand bénéfice de la patiente et de son futur bébé.

Dans la prévention de la BPCO qui concerne les femmes de plus de 40 ans, c’est la consultation gynécologique annuelle qui sera l’occasion de ce dépistage et de proposer le professionnel ressource.

Dans le groupe de travail formation :  accueillir  les internes de gynécologie et les internes de médecine générale (stage de gynécologie devenu obligatoire) nécessite d’être plusieurs MSU[2] motivés et de se partager l’accueil de l’interne. Pour les internes de médecine générale, le stage de gynécologie est couplé à celui de pédiatrie : faire ce stage en ambulatoire est plébiscité par les internes. La CPTS a travaillé sur un « welcome pack » qui aide les internes à profiter au mieux de leur stage.  C’est aussi le moyen de donner envie aux futurs médecins de s’installer en libéral dans notre territoire.

S : En conclusion, vous diriez que le gynécologue a une place de choix dans la CPTS ?

P.B : tout à fait, mais à deux conditions : il doit s’investir pour permettre un enrichissement mutuel des pratiques et participer à l’élaboration des protocoles de soins.

Ainsi  les gynécologues  ne disparaîtront pas :  leur expertise  restera  reconnue par les autres professionnels dans une filière de soins libérale, et non plus seulement hospitalière, et  contribuera à attirer de jeunes professionnels vers ce beau métier.

 

[1] Broncho-pneumopathie chronique obstructive

[2] Maître de Stage des Universités

Quelle place pour le gynécologue dans les CPTS ?

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