Selon le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, la clause de conscience spécifique à l’IVG aurait fait son temps. « Pas si vite ! », crient certains représentants de la profession.

D’après la loi, un médecin n’est jamais tenu de pratiquer un IVG si cela porte atteinte à ses convictions personnelles. Mais pour le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH), cette disposition a fait son temps. À l’occasion d’un rapport sur l’accès à l’IVG, l’institution réitère sa proposition (déjà faite en 2013) de supprimer cette clause de conscience.

«Nous souhaitons que l’avortement devienne un droit à part entière et non un droit à part», explique Margaux Collet, responsable des études et de la communication au HCEFH. «L’ajout de cette clause en 1975 était un compromis démontrant que l’IVG était un acte particulier.» Margaux Collet craint que cette clause  ne soit qu’un moyen détourné d’inviter les femmes à réfléchir d’avantage à leur choix d’avortement.

Un doublon inutile ?

Selon le HCEFH, la clause de conscience spécifique à l’IVG serait en fait… inutile. «Dans le code de la santé publique, une clause de conscience générale existe déjà pour l’ensemble des actes médicaux», rappelle Margaux Collet. La clause propre à l’avortement ferait donc office de doublon suranné.

Bertrand de Rochambeau, Président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), n’est pas convaincu par l’argument. « Lorsqu’une clause est écrite deux fois dans un article de loi et de manière différente, c’est qu’elle est très importante », justifie-t-il. «Supprimer cette clause ne me paraît pas être un bon message.» Pour lui, elle serait le seul rempart restant face à la loi. «L’IVG est imposé comme un devoir à ceux en charge de la réaliser

Même son de cloche du côté de l’Ordre. «Nous tenons à la clause de conscience spécifique à l’IVG», indique Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Cnom. «L’IVG est un acte médical particulier qui touche les convictions éthiques et personnelles des médecins.» Il rappelle que cette clause n’empêche nullement les femmes d’avoir recours à une interruption de grossesse.

Bataille pour un symbole

Concrètement, quelle différence pour le médecin si cette clause venait à disparaître ? «Cette suppression serait avant tout symbolique», explique Margaux Collet. Le médecin pourrait toujours refuser de pratiquer une IVG et se retrancher derrière la clause de conscience générale, à la condition d’orienter la patiente vers un confrère.

Pour Bertrand de Rochambeau, le symbole a pourtant sa raison d’être. «Sans texte de loi direct, il sera plus difficile de rappeler à la patiente que le médecin a le droit de refuser de pratiquer une IVG». Plus largement, le gynécologue s’inquiète des dérives possibles. «Aujourd’hui avec le diagnostic prénatal, il est possible de connaître, dans les délais de l’IVG, les caractéristiques d’un embryon.», rappelle-t-il. «Rien n’empêcherait une femme d’avoir recours à l’IVG pour choisir le sexe de son bébé et la loi ne balise pas cela.»

Quoi qu’il en soit, cette clause a, pour l’heure, peu de chance d’être supprimée. «Un amendement a été déposé par la délégation des femmes début 2015 mais celui-ci n’a pas été soutenu par le gouvernement», confie Margaux Collet. «En cas de suppression de cette clause, nous manifesterons», affirme pour sa part Jean-Marie Faroudja. Remous en perspective.

Santé publique | 16 février 2017 | Imène Hamchiche
http://www.whatsupdoc-lemag.fr

IVG : Faut-il jeter la clause de conscience avec l’eau du bain ?

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